L’action du film se déroule sous nos yeux sans commentaires ni interviews.

Par moment, le film se détache de son réalisme sociologique pour raconter la façon dont les salarié.es d’Officience s’inscrivent dans le développement de leur pays.

 

Les rues d’Hô-Chi-Minh-Ville viendront ponctuer le récit sous forme de respirations, avec des plans larges et fixes pour embrasser l’environnement et ressentir le pouls de la ville : marchands ambulants, coiffeurs à ciel ouvert, réparateurs de mobylettes et ouvriers sur un chantier... J’y insufflerai un langage métaphorique où les lumières nocturnes des immenses tours de verre répondent au clignotement des serveurs informatiques, où le son des ordinateurs contamine celui des scooters qui défilent nuit et jour, évoquant les flux de datas. Le réel se fait rattraper par le numérique, je capte la fébrilité d’une ville d’Asie en plein essor économique, qui a sans doute grandi trop vite, en laissant les immeubles vétustes côtoyer les nouvelles résidences luxueuses. J’observe les traces de l’idéal communiste vietnamien se tourner vers l’économie de marché quand la propagande et la publicité se relayent sur les mêmes panneaux publicitaires. 

 

Cet étrange cocktail où le souci du collectif se laisse porter par les sirènes du capitalisme finit par exercer sur moi un pouvoir hypnotique, qui me plonge dans un état second proche du rêve, comme à Officience lorsque l’ensemble des lumières s’éteignent après le déjeuner et que de nombreux salarié.es s’endorment à leur bureau le temps d’une sieste... A quoi rêvent-ils, bercés par le tapotement des claviers ? Les images de la ville s’invitent dans leur sommeil : les grues et les pelleteuses rasent d’anciens baraquements, les quartiers sont vidés de leurs anciennes activités, et nous découvrons comme dans une ville-fantôme des bâtiments pas totalement achevés, des routes silencieuses, fraîchement goudronnées et prêtes à accueillir le monde de demain, où les feux de signalisation fonctionnent déjà même si personne n’est encore là. A l’orée de la ville, la campagne où poussent encore les palmiers voit surgir au loin les gratte-ciels. S’agit-il d’une menace ou d’un mirage ?